N'être qu'indienne
Aziza OthmanaLe viol collectif d'une jeune fille et son décés qui a suivi a révolté toute l'Inde.
Il n'est pas bon d'être une fille dans ce pays !
L'Inde compte 1,21 milliard d'habitants (2011). Cela fait de l'Inde le deuxième pays le plus peuplé au monde, après la Chine.
Depuis l'arrivée de l'échographie, les cas d'avortement des filles sont très importants, surtout dans les États riches où les personnes peuvent se payer une échographie. C'est ainsi qu'en août 2005, la moyenne nationale à la naissance est de 933 femmes pour 1 000 hommes, ce qui signifie qu'environ 40 millions d'indiens ne trouveront jamais de partenaire. Dans certains États riches, comme l'Haryana, la moyenne est même de 861 femmes pour 1 000 hommes. Le problème est si important que, depuis 1994, il est interdit de pratiquer des examens prénataux pour déterminer le sexe du fœtus et encore plus des avortements pour cette raison. Mais dans les faits, cette loi est souvent ignorée.
Pourquoi la fille est-elle toujours un fardeau pour les familles indiennes ?
Parce que la dot prend de l'importance. Elle est pourtant interdite depuis 1961, mais en réalité, de plus en plus de catégories sociales la pratiquent. La dot prend de l'ampleur parce que le pays entre dans l'ère consumériste : en plus des cadeaux traditionnels (vêtements, argent, têtes de bétail…), les parents de la mariée doivent désormais offrir réfrigérateur, climatiseur, TV, téléphone portable, scooter ou voiture…
L'image de la femme en Inde
Dès qu'elle n'est plus repérée comme épouse, mère, soeur, tante..., une femme indienne risque aussitôt d'être considérée comme simple objet de satisfaction sexuelle. C'est ce qu'a souligné de nouveau, ces derniers jours, Sudhir Kakar, une des figures centrales de l'intelligentsia indienne d'aujourd'hui, psychanalyste, anthropologue et romancier. Ancré dans les psychismes masculins, ce schéma entre violemment en conflit, à présent, avec l'émancipation des jeunes femmes d'une large classe moyenne. Elégantes, maquillées, plus ou moins autonomes, elles ne correspondent plus aux cases figées de la respectabilité. Aux yeux de machistes frustes, elles paraissent choses à disposition, violables, jetables et haïssables.